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Etablissements jalonnant les nationales, les relais routiers accueillent les chauffeurs avides de repas conviviaux et de tranquillité. Reconnaissables au fameux logo rouge et bleu « Les Routiers », les relais sont environ un millier en France. Repas à prix raisonnables et bon accueil, ces restaurants sont la deuxième maison des routiers. 

18h30. Sur la route depuis 5 heures du matin, la journée d’Eric s’arrête. Il gare son camion sur le parking du Sainte-Nitasse, un relais routier à Auxerre. A la fois restaurant, hôtel et sanitaires, ce relais accueille en moyenne 50 routiers par soir, « avant c’était le double » m’assure la gérante. 

Eric boit un kir. Devant mon regard étonné il s’explique avec humour : « le pastis c’est que le week-end ! » Un autre chauffeur routier s’avance vers nous. Le tutoiement est facile. Fred et Eric échangent rapidement des anecdotes sur des livraisons, douanes, clients…comme s’ils se connaissaient depuis des années. Ils parlent des relais routiers « t’as déjà mangé chez Marie-Jeanne, à Carcassonne ? Elle te fait le meilleur cassoulet de la région. » Le menu en relais est généralement frais et local. A La Halte, un relais du sud de la France, Eric mange plutôt un tartare de boeuf, des bulots en Bretagne ou du "bon jambon" dans le Massif Central. Les chauffeurs aiment "bien manger" : les relais proposent souvent un buffet hors d’oeuvre en entrée à volonté, un plat au choix, et dessert à volonté.

 

Après quelques verres, les routiers mangent au restaurant du Sainte-Nitasse. Au menu : boeuf bourguignon, steak haché ou sauté de veau. Les routiers ne sont pas réputés pour être végétariens. Sur notre table, une bouteille de rouge, un pot de rosé, une carafe d’eau. Au milieu, les routiers défilent avec leur serviette sur l’épaule et leur trousse de toilette à la main. "Tous les relais routiers ont des sanitaires. En général ça nous coute 2 euros la douche." Au Sainte-Nitasse, les douches sont au sous-sol. Certains, comme Vincent, viennent juste pour ça : « ici elles sont grandes et propres c’est agréable. Dans certaines stations je préfère ne pas me laver plutôt que de mettre les pieds dans les sanitaires. » 

 

Après le repas, les routiers retournent respectivement dans leur camion. Certains se paient le luxe d’une chambre d’hôtel. Il fait encore jour, et tous les rideaux des cabines sont fermés sur le parking du Sainte-Nitasse.

- Demain on prend la route à 3h30.
- Et on roule jusqu’où ?
- Paris
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Pour recevoir un macaron rouge et bleu, les relais doivent respecter quelques critères : un bon accueil, des produits de qualité, des produits raisonnables. Jusqu'aux années années 80, les restos affiliés à ce guide se devaient d'avoir un parking poids-lourd, des douches, et servir des repas midi et soirs aux conducteurs routiers. De nos jours, ce n'est plus une obligation. Il suffit juste que le restaurant paye une cotisation annuelle pour pouvoir avoir ce logo.

Cette vignette puise son origine dans le mensuel « Les Routiers », crée dans les années 30 par François de Saulieu. Mais les chauffeurs ne s'arrêtant pas en kioske, le magazine est au bord de la faillite. Pour indiquer les lieux où le mensuel est consultable sur place, François de Saulieu décida d'afficher la vignette sur les relais. 

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Le Sainte-Nitasse est un relais-hôtel situé à Auxerre. © Léa De Cazo

Au Sainte-Nitasse, les routiers regardent les infos avant d'aller se restaurer © Léa De Cazo

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L'INSTANTANÉ

Il est huit heures et demie. Sur la route depuis 3 heures du matin, le chauffeur routier Eric marque une pause au relais de Montfort. Posé au milieu de nulle part, le restaurant date des années 70. Une grande dame approchant de la soixantaine gère l’établissement. Au comptoir, six routiers dégustent leur café. « Je ne m’arrête pas souvent ici. Mais pour le petit-déjeuner il m’arrive de venir parce que les croissants sont très bons. » La dame range ses tasses, sa lèvre supérieure est tremblante. Elle porte un tee-shirt Orangina trop grand et boîte de la jambe gauche en allant débarrasser ses tables. Elle passe un coup de chiffon sur le comptoir, mettant toutes les miettes de viennoiseries par terre. Au mur, derrière les bouteilles de liqueurs et pastis, trônent deux calendriers pornographiques. C’est encore RTL que crache la grosse radio sur l’armoire. C’est l’heure de la chronique d’Eric Zemmour. La barmaid change pour Nostalgie. 

- Il y a du monde qui vient ici ? Ca semble désert. 
- Ah oui, le midi le parking est blindé.

Ceci explique la salle d’une capacité de cent couverts. Son double café avalé, Eric reprend la route.

Au Relais du Soleil, route de Bédarrides, « c’est trop calme. » Chantal Ponzo, la cinquantaine passée, nettoie le sol de son restaurant dont la clientèle majoritaire reste les routiers. Equipé de douches, le Relais du Soleil a pour habitude d’être « plein à craquer » le soir, selon Loïc, chauffeur routier. Mais ces cantines qui servent de pause à des conducteurs longue distance ont perdu de leur substance et sont presque désertées. "La situation est de plus en plus difficile pour les relais." Les restaurants ne se font presque plus de bénéfices sur les boissons, les routiers ne buvant que le soir, et ce beaucoup moins qu'avant. Avec l'exigence de prix raisonnable, un menu est généralement compris entre 12 et 15 euros. "C'est compliqué pour nous de se faire des bénéfices avec des prix aussi peu élevés..." Ouvert de 5h30 à 22 heures, les relais impliquent de longues journées de travail. "Avec des revenus qui ne suffisent pas." Ayant vu son établissement se déserter au fil des années, Chantal évoque avec nostalgie les années où ses parents géraient encore le Relais du Soleil : "Je jouais dans le restaurant, au milieu de tous les routiers. Mes parents travaillaient beaucoup." 

Au Relais Du Soleil, Chantal travaille avec Corinne (à gauche). Corinne est la soeur de Jérôme, un chauffeur de l'entreprise Dupoux. Les relais sont très souvent des affaires familiales. © Léa De Cazo

LES "HOME SWEET HOME"

DES ROUTIERS

Une cuisine locale et traditionnelle

Travail, famille, faillite